légumes secs

Conférence réalisée par Eric BIRLOUEZ

Mardi 15 octobre 2024

I DES CARACTERES MULTIPLES

  •  Définitions:

Le botaniste, l’agronome, le jardinier, le nutritionniste, n’auront pas la même définition des légumes.

Les légumes secs sont-ils des légumes ? Salades, oignons, n’ont rien à voir avec des haricots, ils ne se conservent pas de la même façon.

Ail, oignon, ciboulette, échalotes ne se mangent pas seuls ; on les qualifierait plutôt de condiment. Pour les pommes de terre et patate douce, on parlera plutôt de féculents.

Si l’on prend l’exemple du melon :  il se déguste facilement en début de repas, alors qu’il est sucré. Ce serait une survivance du Moyen-Age, où on le mangeait en début de repas pour qu’il soit « cuit » dans l’estomac et se digère mieux.

Les tomates, aubergines, poivron, concombre : des fruits ? En 1893, la cour suprême des États Unis a débattu de savoir si la tomate était un fruit ou un légume (en effet, la législation sur l’importation était différente selon la nature du produit).

Pour le dictionnaire du CNRTL , le légume est la partie comestible d’une plante potagère, son genre est féminin.

En 1531 et jusqu’ ‘au 18ème siècle, le terme de légume s’appliquait aux légumes secs. Vient du latin legumen : la gousse, caractéristique des légumineuses.

Qu’est-ce qu’un potage ? : Au Moyen Age, c’étaient des mets qui étaient cuits dans des pots. A la Renaissance, le terme de potage s’applique au bouillon.

Le potager n’était pas un jardin, mais le nom du cuisinier qui préparait le potage.

Jardin : hortus, ort èd’où les hortillonnages. En 1564, c’est le jardin qui donnait les plantes pour le « pot ». Au 18ème siècle à Paris, le maraîchage était l’endroit où les légumes étaient produits (quartier du marais à Paris).

  • Légumes et expressions courantes:

Faire chou blanc, les carottes sont cuites, c’est la fin des haricots, poireauter, avoir le melon, c’est un cornichon, ne plus avoir un radis, un navet (mauvais film) …expressions assez péjoratives dans l’ensemble. Ce qui semblerait dire que les légumes étaient « méprisés ».

L’expression : en rang d’oignon. La légende raconte que le baron d’Oignon aimer classer les gens en fonction de leur statut : « mettez-vous en rang »,

ou cela viendrait de la façon de ranger les oignons pour les conserver, en fonction de leur taille

  • La classification des légumes: si l’on recense 402 espèces botaniques, les légumes sont classés en fonction de la partie consommée.
  • Légumes fruits : tomate, concombre, courgette, potiron
  • Légumes fleurs : chou-fleur, brocolis, artichaut, chou romanesco
  • Légumes feuilles : épinards, blette, salade, pissenlit, cresson, endives…
  • Légumes tiges : asperges, céleri, rhubarbe,
  • Légumes bulbes : ail, poireau oignon, fenouil
  • Légumes racines : radis, navet, betterave, carotte
  • Légumes tubercules : panais, topinambour, rutabaga (rhizome : tige souterraine tubérisée)
  • Légumes à cosses : haricots verts, petits pois
  • Légumes secs : pois, pois chiches, haricots blancs, rouges. Leur avantage est qu’ils poussent vite, donnent des graines et on peut les conserver.
  • Des plantes d’avenir: pour la sécurité alimentaire mondiale, il faut qu’elles soient cultivables à prix modéré, riches en protéines et autres nutriments.

Attention aux comparaisons en valeur de protéine : la valeur protéinique d’un légume sec diminue avec la cuisson.

  • Complémentarité céréales/légumes secs:
  • Dans le couscous : semoule de blé dur (céréale) et pois chiches (légumineuse)
  • Maïs et riz, lentilles et riz (en Inde), soja et riz, mil et niébé (haricot local).

C’est intéressant pour ceux qui ne peuvent s’acheter de la viande.

Autre avantage pour l’environnement et le climat : ils captent l’azote dans l’air via la symbiose des bactéries et laissent dans le sol l’azote, pour les cultures suivantes.

Mais leur consommation est freinée : on ne mange pas souvent des légumes secs car plus longs à préparer, plus lourds à digérer, il faut anticiper les repas. Ils souffrent d’une image négative : c’est la « viande du pauvre »…

II LES GRANDS BERCEAUX LEGUMIERS

  • Répartition à travers le monde:
  • Viennent d’Europe occidentale : le chou, la laitue, la carotte, bette, betterave, navet, céleri, panais, endive
  • Du bassin méditerranéen : l’artichaut, chicorée, fenouil, poireau, asperge, radis, laitue, mache
  • D’extrême orient : épinard, carotte
  • Des steppes d’Asie centrale : ail, oignon
  • Des pentes de l’Himalaya : concombre, aubergine
  • D’Asie : crosne, chou chinois
  • De l’Amérique centrale et du Sud : maïs, tomate, haricot, pomme de terre, patate douce, courge, courgettes
  • D’Afrique : gourdes, igname, niébé, gombos
  • D’Amazonie : le manioc

 

  • La domestication

On a au départ des légumes sauvages. L’homme va délibérément modifier (génétiquement, par le croisement, la sélection) les caractères d’une plante, ou d’une céréale.

Le « syndrome de domestication » chez les légumes : on élimine les composés toxiques par exemple (chou blanc, manioc…).

 

Des légumes sauvages sont parfois toxiques ou au goût répulsif. Pourquoi : pour se défendre. C’est un moyen de protection contre les bio agresseurs. Exemple : la piéride du chou (chenille dévorant la feuille de chou).

C’est comme une « course aux armements ». La nature sélectionne les végétaux les mieux armés (ex : glucosinolates : molécules toxiques pour les agresseurs). La nature sélectionne aussi les bioagresseurs qui résistent le mieux.

 

Pour se protéger de la toxicité des légumes, les hommes ont cultivé les variétés les moins toxiques (sélection, création), et ont appliqué des process : fermentation, cuisson…

Ainsi le manioc amer (Amérique du Sud)è glucosides cyanogénétiques.

La détoxification est impérative, mais la cuisson n’est pas suffisante. La chair doit être râpée ou lavée, fermentée, séchée, cuite…

 

La pomme de terre, comme la tomate, sont des « ancêtres » peu attractifs : de forme cabossée, petite.  Cette forme sera modifiée par l’homme.

De même, le maïs est issu de la téosinte.

Autre exemple : les bananes sauvages étaient pleines de pépins.

 

Des plantes sauvages, parfois rebutantes, mais qui seront utiles demain, compte tenu du changement climatique : sécheresse, canicule, insectes, microbes pathogènes.

Le petit épeautre, blé primitif, est une des plantes qui pourront s’adapter aux conditions rudes, à la sécheresse, d’où la nécessité de légumes plus résistants.

Des variétés modernes seront sélectionnées / rentabilité.

III DES LEGUMES DANS L’HISTOIRE

  • Depuis l’origine, les humains (Homo) sont omnivores avec, aux origines, un menu très végétal : jeunes pousses, feuilles tendres, bourgeons, racinesè plantes de cueillette.

On ne peut pas se nourrir que de végétaux (il faut des compléments en vit B12).

Au départ, les humains mangeaient ce qu’ils pouvaient attraper sans difficultés. Quand ils ont appris à faire du feu, ils ont pu faire cuire leurs aliments, ce qui les rendaient plus digestes, plus mastiquables.

La digestion demandait de l’énergie. Avec la cuisson cette énergie va pouvoir être utilisée pour favoriser le développement du cerveau.

 

  • L’Antiquité:

Les textes des premières civilisations parlent de jardins…et de légumes. En Grèce, la consommation en est modérée.  A Rome, il existe une culture du végétal èhortus.

  • Au Moyen Age, les légumes, et encore plus les « bulbes », sont méprisés par les élites. Ce sont les paysans qui mangent les légumes. Il faut manger selon la place que l’on occupe dans la société.

    De plus, les légumes poussent sous la terre (domaine du « malin »). A l’inverse du feu et de l’air, la terre n’est pas un élément noble.

    Les moines mangent davantage de légumes.

     

Arcimboldo
Edouard Manet
  • La Renaissance:

Les nobles se mettent à aimer les légumes. En effet ils sont tournés vers l’Italie, dont le climat favorise les cultures. Les légumes sont associés à l’élite sociale : jardins potagers.

Arcimboldo va représenter ce goût pour les fruits et légumes dans ces célèbres portraits tandis qu’Edouard Manet va peindre des asperges, honorant ainsi une commande.

Autres nouveautés italiennes : l’artichaut, le cardon, l’asperge, les petits pois. Les cardons notamment intéressaient les austères protestants, qui ne s’autorisaient pas à prendre du plaisir à manger.

La Renaissance, c’est aussi le moment des découvertes.

 Christophe Colomb va trouver sur le continent américain, des légumes que l’on ne connait pas : maïs, tomate, citrouille, courgettes, pommes de terre, patate douce, manioc, avocat (et seulement deux espèces animales : la dinde et le canard de Barbarie).

Lors de l’une de ses expéditions au Mexique, Hernan Cortès découvre en 1519 la tomate.  Des aztèques vient la sauce pimentée.

 On pense que les oiseaux ont amené des graines des ancêtres sauvages de la tomate depuis les vallées côtières des Andes. Mais en Europe, on s’en méfie.

 L’aubergine, la tomate, la pomme de terre ont la même fleur, ils appartiennent à la famille des solanacées. Les Français s’en méfient car les solanacées regorgent en effet de plantes toxiques, voire hallucinogènes comme la belladone ou la mandragore…

La tomate va faire une « belle carrière », mais ornementale.

A Paris, il faudra attendre la fin du 18ème siècle pour qu’un restaurateur du midi la propose à ses clients.

  • 17ème siècle: Versailles, ou la grande cuisine.

Louis XIV manifeste un goût immodéré pour les légumes. Il confie à Jean Baptiste Catigny le soin de penser et expérimenter des techniques de culture, sur ce que l’on va appeler : le potager du roi. Fumier de cheval au pied des plantes, coupe-vent, cloches de verre seront installés pour favoriser les cultures.

  • 18ème siècle:

Antoine Parmentier, pharmacien, agronome et nutritionniste sera un ambassadeur de la pomme de terre, mais il ne sera pas le seul à encourager sa consommation.

Au siècle des Lumières, Jean-Jacques Rousseau prône le retour à la nature, vante les légumes (il est végétarien).

  • 19ème siècle:

L’industrialisation et l’urbanisation se développent. Des ceintures maraîchères sont créées pour nourrir les ouvriers. Le chemin de fer va permettre le transport des spécialités légumières (Bretagne, Provence). C’est aussi le développement de la conservation.

L’abbé Lemire est à l’origine du développement des jardins ouvriers.

  • 20ème siècle

On a plus de pouvoir d’achats, plus de produits carnés. On assiste au déclin des produits bruts et frais. Entre 1950 et 1975, on consomme moins de légumes.

  • 21ème siècle

Les légumes reviennent au goût du jour. La consommation de 5 portions de fruits et légumes par jour est recommandée.

Les gens sont convaincus que manger des légumes, c’est bon pour la santé, mais le font-ils ?

L’intérêt des fruits et légumes, c’est :

  • Leur saveur
  • Une dimension historique, culturelle, sociale, symbolique, imaginaire.
  • « Bons à manger et à penser » : Claude Lévi-Strauss.

Les légumes semblent promis à un bel avenir…

 

                                                         Marie Pierre Fourdinier, le 15/10/2024                                                                                     UTL Pévèle Carembault