Conférence réalisée par Eric BOULANGER

Lundi 13 mai 2024

I – LES FACTEURS DU VIEILLISSEMENT

Il y a des facteurs génétiques (dont on hérite), des maladies non évitables, et des facteurs comportementaux et environnementaux.

  • Les facteurs génétiques représentent 20% des facteurs de vieillissement. Il n’y a pas de gène de longue longévité mis en évidence. Il n’y a pas non plus de gène de la mauvaise longévité. On a des gènes qui amènent des maladies, par exemple le gène porteur du cancer du sein, que l’on peut contrecarrer par la chirurgie (ablation du sein par ex.) ou gène de la maladie d’Alzheimer. On ne pourra pas le supprimer, ni le « réverser », mais on sait ralentir. On détecte tous les jours des facteurs de gène.
  • Les maladies non évitables. Ex ; : la maladie de Crohn.
  • Les maladies « évitables ».

En France, on n’est pas dans une culture d’« évitabilité » de la maladie. On trouve en gériatrie des profils de pathologies chroniques, dont beaucoup sont « évitables ».

Un certain nombre de maladies auraient pu être évitées et ne l’ont pas été pour des raisons individuelles ou sociales.

Exemple : le diabète de type II. Les facteurs contribuant au diabète de type 2 comprennent le surpoids, le manque d’exercice et la prédisposition génétique. Est-ce que je fais tout, au niveau individuel, pour ne pas devenir diabétique ? Idem pour la consommation de tabac, qui non seulement altère l’aspect physique (étude réalisée sur des vrais jumeaux dont l’un des deux était fumeur), mais augmente le risque de faire un cancer ou un problème vasculaire.

Au niveau sociétal : si l’on prend le problème de la pollution, au niveau d’une agglomération, il relève de mesures sociétales.

La société peut avoir des effets sur les comportements individuels (espaces interdits aux fumeurs). L’environnement compte : selon que l’on est, ou pas, entouré de fumeurs.

Il y a plusieurs niveaux de responsabilité :

  • individuel (envie ou pas de changer ses habitudes)   

                                               

  • Monde médical : on est dans une médecine curative, la médecine préventive est peu enseignée.

 

  • Monde politique : la prévention est un programme à long terme, et les décideurs ne seront pas forcément ceux qui verront le résultat des actions financées.

Il y a des outils de prévention pour les femmes dans le cadre des suivis maternité ou gynécologiques, dont on ne retrouve pas l’équivalent pour les hommes : absence de protocole de suivi andrologique par exemple. L’enjeu est d’aller vers une prévention plus importante chez les hommes.

II – LONGEVITE- ESPERANCE DE VIE

Le record de longévité humaine officiellement reconnu est détenu par Jeanne Calment, qui a vécu 122 ans et 164 jours.

Si l’espérance de vie était de 30/40 ans en Egypte 1300 ans avant notre ère, les progrès médicaux et l’évolution des prises en charge par l’assurance maladie ont beaucoup augmenté l’espérance de vie. Les études prouvent qu’on ne peut pas vivre au-delà de 120 ans. L’enjeu est surtout d’être autonome le plus longtemps possible.

La France est parmi les 10 meilleurs pays en termes d’espérance de vie : 86 ans pour les femmes, et 80 ans pour les hommes (étude réalisée entre 2004 et 2018). L’espérance de vie de la femme n’évolue plus, mais l’écart se réduit entre les hommes et les femmes.

Si l’on prend comme critère l’espérance de vie sans incapacité, la France est largement dominée par des pays du Nord comme la Norvège ou le Danemark. En effet, lors d’une enquête auprès de la population, les français se déclarent ayant une incapacité à partir de 65 ans pour les femmes, et 64 ans pour les hommes alors que les norvégiens ou danois ont 9 ans de plus d’espérance de vie en bonne santé.

On pourrait donc espérer en France améliorer l’espérance de vie en bonne santé, avec des politiques adéquates. D’autant que si l’on se projette en 2070 (chiffres INSEE), la pyramide des âges fait apparaître un accroissement tel de la population des personnes âgées que les équipements adaptés au grand âge seront insuffisants et qu’il est donc important d’avoir des politiques préventives.

En ce qui concerne plus précisément les Hauts de France, c’est l’une des régions les plus mauvaises en espérance de vie

III – LES ASPECTS DU VIEILLISSEMENT

  • Le vieillissement osseux :

Il y a des troubles que l’on sait dépister, ralentir, comme les pathologies neurodégénératives. On a du mal à les prévenir, et on ne peut les « réverser ».

 Quand on rentre dans la dépendance, c’est soit pour un trouble cognitif, ou un trouble physique.

La majorité des entrées en EHPAD le sont pour des problèmes physiques : exemple : la chute. Or il est possible, et de les prévenir, et de les « réverser », comme par exemple l’ostéoporose, qui est souvent en lien avec la ménopause, bien qu’on la retrouve aussi chez l’homme : l’ostéoporose n’est pas une fatalité si l’on adopte une alimentation variée, et que l’on fait de l’activité physique.

Sur le plan physiologique, nos fonctions atteignent leur maturité à l’âge de 25/30 ans ; après, elles déclinent.

Quand on est atteint d’ostéoporose, celle-ci n’est pas réversible, mais on peut endiguer le développement de la maladie avec des traitements spécifiques, comme les biophosphonates.

Mais on peut éviter cette maladie, si l’on fait de la détection de l’ostéopénie (étude de 2020), qui est une fragilité osseuse. Celle-ci est réversible, avec des apports de calcium, vitamine D, activité physique (et de citer en exemple la marche nordique).

  • Le vieillissement musculaire

La sarcopénie n’est pas non plus une fatalité.

Avec le vieillissement, la masse et la force musculaire diminuent. Ce phénomène est appelé sarcopénie au-delà d’un certain seuil de perte. Elle constitue un facteur de fragilité chez les personnes âgées. En comparant un muscle d’une personne de 24 ans, avec celui d’un homme de 66 ans sédentaire, et d’un autre homme actif (faisant 12445 pas/jour), on s’aperçoit que l’on peut « rajeunir » le muscle ou éviter une trop grande diminution de la masse musculaire.

 

IV – INTERACTIONS ENTRE ACTIVITES ET FONCTIONS

  • Activité physique et troubles cognitifs

Une étude de 2014 met en évidence que plus une personne a des activités physiques, moins elle a de troubles cognitifs (méta analyse sur plusieurs populations).

En effet, l’activité physique peut entraîner une meilleure alimentation, un meilleur sommeil, être l’occasion d’interactions sociales. La personne secrète des endorphines. Les endorphines sont les hormones de l’anti-douleur ou de l’anti-stress (elles sont produites par le cerveau au moment de l’effort et apportent une sensation de bien-être et de sérénité qui commence pendant la séance et peut se prolonger plusieurs heures) et des exerkines (les exerkines sont des molécules libérées en réponse à l’exercice, qui ont le potentiel d’améliorer la santé cardiovasculaire, métabolique, immunologique et neurologique).

Ainsi, réaliser 30 minutes d’activité physique par jour représente une cure de jouvence.

  • Activité cérébrale et mémoire

Une étude de 2015 démontre le lien entre stimulation du cerveau des personnes de plus de 60 ans et l’effet sur la mémoire globale. Plus on fait « marcher » son cerveau, plus on garde une capacité de mémoire globale.

Il faut sortir de sa zone de confort, sortir de son contexte familial, aller vers les choses qui sortent de la routine.

  • Dépistage et appareillage à la suite d’une diminution de la vue ou perte d’audition

La vue : je me dépiste, je me soigne, je ne repousse pas…

La presbytie correspond à une évolution naturelle des yeux entraînant une difficulté à lire des petits caractères. Elle apparaît autour de 45 ans. Elle représente une fragilité, qui peut se corriger par des lunettes, lentilles ou chirurgie réfractive.

La cataracte a un caractère plus sournois. Elle altère la vision et diminue la qualité de vie. Si l’on attend pour se faire opérer, on va s’adapter, changer de mode de vie, et accélérer le vieillissement. Or, on sait « réverser ». Il ne faut pas attendre pour se faire opérer.

La DMLA, ou dégénérescence liée à l’âge, est plus difficile à appréhender. Il faut la diagnostiquer tôt. On peut ralentir le phénomène, mais pas le supprimer.

Une autre étude montre le lien entre perte d’audition et la mémoire : après 11 ans, de suivi, le score de mémoire est plus faible chez les personnes ayant une perte d’audition.

La presbyacousie (ou surdité liée à l’âge) est une diminution des capacités auditives. C’est une fragilité réversible. L’appareillage permet de mieux vieillir.

Avec des appareillages adaptés à une perte fonctionnelle, on peut « rajeunir », revenir à un niveau supérieur de fonction

  • Le sommeil

Une méta analyse de 47 études réalisée en 2016 montre que l’on a 1,68 fois plus de risques d’avoir un déclin cognitif lorsque l’on a des troubles du sommeil. D’où l’importance du diagnostic de syndrome d’apnée du sommeil.

Le cerveau élimine ses toxines par le système glymphatique, au cours du sommeil profond ; les neurones ralentissent leur activité, le flux de sang diminue, celui du liquide céphalo-rachidien augmente. D’où l’importance avoir une bonne hygiène du sommeil : se coucher à la même heure, dans le calme, sans consulter les écrans…

V – TEMPOFORME : UN OUTIL AU SERVICE DU BIEN VIEILLIR

  • Les 1000 premiers jours de la vie

Du début de la grossesse aux deux ans de l’enfant, le comportement des parents est important pour le développement de celui-ci. A travers leur attitude, l’alimentation et l’activité physique, ils apportent à l’enfant un cumul de chances pour son avenir.

  • Repérer la fragilité

Au niveau des fonctionnalités, on passe de la catégorie robuste, à celle de fragile, puis de dépendant.

Par exemple, une personne robuste qui fait la Covid va s’en remettre vite. Si l’on est fragile, on peut tomber dans la dépendance. On pourrait avoir les mêmes effets pour des personnes atteintes de pneumopathie. Les conséquences de celle-ci sont différentes selon la robustesse de la personne.

L’enjeu aujourd’hui est de repérer la fragilité. 10% de la population des plus de 60 ans est « fragile ».

Comment savoir si on est fragile ?

On peut « remonter » de la fragilité à la robustesse si on repère ses fragilités et qu’on les traite (ex : cataracte, ostéopénie, presbyacousie).

Or, on adopte (dans la société) une attitude est plutôt fataliste sur le vieillissement.

  • Prévention de la dépendance

Il y a plusieurs types de prévention :

La prévention primaire vise à contrôler les facteurs de risques (tabac, alcool…).

La prévention secondaire permet le dépistage des maladies (mammographies).

La prévention tertiaire consiste à éviter les complications des maladies. On est dans la prévention classique des maladies d’organes.

La prévention : c’est évaluer les fonctions qui auraient des signaux faibles.

  • Parcours TEMPOFORME

Tout au long du temps… et de la forme…c’est une approche sociétale, plutôt que médicale.

Le programme Tempoforme dont le Professeur Boulanger est le porteur médical,

s’adresse aux personnes à partir de 45 ans.

L’enjeu, ce sont les stades du vieillissement global fonctionnel.

Un rapport de la Cour des Comptes de 2021 estime à 400000 le nombre d’entrées dans la dépendance, qui auraient pu être évitées. Pour les Hauts de France, c’est une proportion de 9% des entrées. L’impact sur l’économie de la santé est non négligeable.

Le programme tempoforme aide à évaluer le capital santé pour mieux le préserver.

La première étape est une auto-évaluation en ligne (sur smartphone ou www.tempoforme.fr ) qui dure 8 à 10 minutes. L’enjeu est de faire prendre conscience qu’il y a peut-être des fragilités chez soi et d’accompagner pour les faire évoluer.

Le résultat est immédiat. La personne peut ensuite faire le point avec son médecin traitant.

La deuxième étape est un bilan de santé complet à l’espace tempoforme au CHU dans un pavillon dédié à ce programme, ou en téléconsultation. En effet ce programme s’adresse aux habitants des Hauts de France. Des ouvertures d’autres centres sont prévus dans chacun des départements concernés : Arras, Amiens, Beauvais, Saint Quentin et une antenne à Dunkerque pour le Nord.

Le bilan Bien vieillir dure 3 heures environ pendant lesquels seront dépistées les fragilités physiques, cognitives, neurosensorielles, qualité de vie…par une équipe composée d’une infirmière et d’un médecin.

Il s’agit d’une approche fonctionnelle et non de maladies d’organes.

Il est gratuit. Les financeurs sont, entre autres, le CHU, la CARSAT, l’ARS, la MEL, le Département du Nord, la région Hauts de France, l’Assurance maladie, l’Etat.

Les résultats sont d’abord examinés lors d’une réunion de concertation, qui proposera un plan personnalisé de prévention : repérage des fragilités, priorisations, recommandations. Le document de synthèse met en évidence les items sur lesquels il faut travailler. Retour au médecin traitant pour la mise en œuvre des préconisations. Un rappel de la personne par Tempoforme est prévu quelques mois après.

En guise de conclusion, un vieillissement réussi est un vieillissement qui préserve de bonnes capacités physiques et mentales à l’individu, lui permettant d’être autonome le plus longtemps possible.

PS : Le Professeur Boulanger coordonne également le département universitaire de gériatrie et biologie du vieillissement de la faculté de médecine de Lille. Il y dirige une équipe de recherche qui travaille avec l’Institut Pasteur de Lille et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Il anime le diplôme universitaire « Longévité & vieillissement ».

Il est l’auteur du livre : « Je décide de bien vieillir, longtemps, en bonne santé », préfacé par le Dr Damien Mascret. Aux éditions Odile Jacob

                                                            Marie Pierre Fourdinier, le 13 mai 2024

                                                                                    UTL Pévèle Carembault