Conférence réalisée par Régis THYOT
Mardi 1er octobre 2024
I ENFANCE DE DARWIN
Charles Robert DARWIN est né en 1809 près de Manchester.
Son père, Robert Darwin (1766-1848) est un médecin, libre penseur.
Sa mère, Suzanna Wadgwood (1765-1817), est issue d’une famille d’industriels dans le domaine de la porcelaine.
Charles Robert Darwin va au collège du village (Shrewsbury), mais il n’aime pas l’école et préfère se promener avec son chien et observer la nature.
Son père l’envoie à l’université d’Edimbourg pour qu’il y effectue des études de médecine. Cela ne lui plaît toujours pas. A cette époque, il rencontre un taxidermiste John Edmonstone qui, outre sa connaissance des animaux empaillés, lui raconte les pays lointains qu’il a traversés.
Monsieur Darwin va proposer à son fils une autre orientation : devenir pasteur. Darwin effectue alors des études de théologie à l’université de Cambridge.
Mais de nouveau, les cours l’ennuient. Il voudrait connaître les plantes, les animaux, les hommes. Ce qu’il fait par la lecture, jusqu’à ce que son professeur de botanique et ami lui parle du Beagle ; c’est un superbe trois mâts mais surtout c’est un bateau pour explorer. En 1831, les cartes de géographie ne sont pas toutes complètes. Recommandé par le capitaine Henslow, Darwin y embarque comme naturaliste. Le Beagle fait cap pour les mers du sud.
Pour cet étudiant dilettante, c’est un voyage initiatique, qui durera…cinq ans jusqu’en 1836, dont il rapporte ses observations des espèces vivantes et des fossiles, de la géologie, recense la répartition géographique de la faune et de la flore et bien d’autres choses…
Conçue en 1838, sa théorie de l’évolution ne sera publiée qu’en 1859, lorsqu’il fait paraître « L’origine des espèces ». Le contexte de l’époque, et son désir de pouvoir valider scientifiquement sa théorie expliquent les 20 années passées nécessaires à la publication de sa théorie, révolutionnaire à l’époque.
Le 29 janvier 1839, Darwin épouse Emma Wedgwood sa cousine. De leur union, naîtront dix enfants. Leur descendance comportera des savants, ingénieurs et personnes célèbres.
II HISTOIRE NATURELLE A L’EPOQUE DE DARWIN
C’est le philosophe grec Aristote (384-322 av. JC) qui, dans ses ouvrages, a divisé le règne animal en deux sortes : les animaux qui ont du sang (enaïma : animaux à sang rouge, les vertébrés, divisés eux-mêmes en ovipara et vivipara) et ceux qui n’en possèdent pas (anaïma : animaux sans sang rouge, invertébrés)
Théophraste, Pline l’Ancien et Isidore de Séville poursuivront dans la lignée d’Aristote (on pouvait être condamné par l’Eglise, si l’on contestait sa théorie).
A partir du 15ème, 16ème siècle, on commence à se pencher sur la classification des animaux.
A partir du 16ème siècle, laïcisation de la zoologie : Conrad Gessner, naturaliste suisse écrit entre 1551 et 1558 le premier ouvrage de zoologie moderne visant à décrire les animaux connus. De même, l’italien Aldrovandi, médecin et philosophe, va publier à partir de 1570 de nombreux livres sur la botanique et l’ornithologie, et sur d’autres espèces. Il va contribuer, avec d’autres scientifiques de son temps, à l’émergence de la science de la biologie moderne.
Au 17ème siècle, Francesco Redi biologiste et écrivain italien, principalement connu pour ses travaux sur les insectes, remet en cause la génération spontanée.
Commencent les grandes expéditions maritimes.
Arrive Linné, qui, dès 1735, dans son catalogue général des êtres vivants sur terre, va définir le genre (homo), l’espèce (sapiens).
Pour Linné, c’est Dieu qui a créé toutes les espèces. Il a fait les choses bien, et une fois pour toutes. On va parler de « fixisme *». Pour les partisans des espèces fixes, aucune nouvelle espèce n’est apparue, aucune n’a disparu, aucune n’a changé depuis la Création Divine.
(*Le fixisme correspond à la vision d’une nature qui reste immuable au cours du temps, à partir d’une origine considérée comme une création. C’est pourquoi fixisme et créationnisme recouvrent en réalité une même conception du déroulement temporel de la vie sur Terre).
Il est classique d’opposer fixisme et transformisme. Cette conception statique traditionnelle de l’état du monde sera progressivement remplacée par une vision dynamique de son développement.
Mais on s’aperçoit que ça ne marche pas tout à fait bien, à l’image de Buffon.
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788) est un naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste, philosophe et écrivain français, nommé académicien des sciences et académicien français dont les théories ont influencé deux générations de naturalistes, en particulier Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin.
Georges Cuvier, anatomiste Français né en 1769, fait un grand catalogue des êtres vivants, mais il reste attaché au fixisme. Il affirme que les espèces anciennes n’auraient pu avoir le temps de se modifier en fonction des transformations subies par le globe terrestre. Il est opposé au « transformisme ».
Lamarck (1744-1829) dit que les animaux subissent des transformations. C’est parce que les girafes ont besoin de manger des feuilles de plus en plus hautes qu’elles ont un long cou ? C’est lui qui introduit pour la première fois l’idée d’évolution. Il n’a plus besoin de la création divine pour expliquer l’apparition d’espèces. Il remplace Dieu par la nature.
Darwin aura une vision différente : ce sont les populations qui évoluent.
III CONTEXTE D’APPARITION DE LA THEORIE DE DARWIN
Darwin revient de son voyage et rentre en Angleterre sous le règne de la reine Victoria. Il est très attaché à ses mœurs et à sa religion.
Il n’ose pas exposer sa théorie, il veut qu’elle soit admise par la population.
A cette époque, Adam Smith, économiste écossais, utilise l’expression de la main invisible, La thèse centrale de « La richesse des nations » de Smith, ouvrage publié en 1776, est que notre besoin individuel de satisfaire nos propres intérêts se traduit par un bienfait pour la société. La force qui se cache derrière cet accomplissement est la « main invisible ».
Thomas Malthus, économiste britannique, avance que les ressources sont limitées. Tout le monde ne peut survivre (nombreux ouvrages entre 1803 et 1823). A l’origine doctrine hostile à l’accroissement de la population, le malthusianisme désigne aussi toute attitude réservée devant la vie et le développement. Aujourd’hui, il y a un renouveau des idées de Malthus car on prend conscience des ressources limitées de la nature.
Le philosophe John Stuart Mill fait paraître en 1859 un essai philosophique « de la liberté ». Il défend le droit à l’existence, à sa propre identité.
Un autre environnement aura aussi influencé Darwin : c’est la société lunaire (appelée ainsi car les réunions avaient lieu les soirs de pleine lune) de Birmingham, dont l’un des animateurs était Erasmus Darwin, le grand- père de Charles.
Médecin, inventeur, poète, il a conçu des inventions de toutes sortes et avait avancé une théorie des espèces vivantes que 60 ans plus tard Charles reformulera à sa manière.
De cette société sont issus Adam Smith, Benjamin Franklin, Thomas Jefferson.
A partir de 1760, l’Angleterre entame sa révolution industrielle et ces gentlemen ont bien l’intention d’y participer.
Pendant son voyage de cinq ans, Darwin est impressionné par son grand-père qui lui donne le goût des sciences.
D’autres personnes auront également inspiré Darwin :
- William Paley pasteur anglican, connu pour l’argument du « Grand horloger », inventeur de la théorie de la montre, du système de l’horloge (ouvrage paru en 1802). Une montre est complexe. C’est l’œuvre d’un horloger (ou créateur). L’univers est complexe. Il compare Dieu à un grand architecte, et l’univers à sa création.
- Charles Lyell, géologue britannique a inventé la stratigraphie géologique, Il a développé la théorie de l’uniformatisme, qui stipule que les processus par lesquels les caractéristiques géologiques actuelles ont été créées étaient lents, réguliers et constants. Il exercera une influence significative sur la formation de la théorie de l’évolution de Charles Darwin.
IV L’ORIGINE DES ESPECES au moyen de la sélection naturelle
L’idée d’évolution des espèces n’est pas nouvelle lorsque Darwin publie, en 1859, son célèbre ouvrage, L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle. Déjà de nombreux érudits ont émis des remarques sur un transformisme possible. Ce qui fait surtout la différence et l’originalité de la théorie émise par Darwin, c’est l’hypothèse de la sélection naturelle, où la variation est conçue comme indépendante de la sélection.
Darwin arrive par intuition à découvrir les mécanismes de la vie.
Son ouvrage est divisé en trois parties :
- 1ère partie : observation des variations chez les animaux cultivés ou apprivoisés, des animaux dans la nature. Lutte pour l’existence. Sélection naturelle et artificielle. Tentative d’élaboration d’une loi
- 2ème partie : difficultés de la théorie qui ne marche pas avec les insectes sociaux (abeilles par exemple), hybridation. Démarche scientifique = réfutation
- 3ème partie : Réfutation de Lamarck. Répartition des animaux dans le monde.
La téléologie :
La téléologie peut être définie comme étude, ou comme doctrine, des causes finales, de la finalité.
Lamarck dans sa Philosophie zoologique donne un célèbre exemple d’intervention de cause finale (qui se révéla par la suite erronée) : l’herbe étant rare dans la savane, la girafe doit atteindre le feuillage des arbres pour se nourrir (cause finale B), dès lors l’habitude soutenue et l’effort pour l’atteindre entraînèrent un allongement de ses pattes avant et de son cou au fil des générations (phénomène A). En cela, la téléologie s’oppose à la vision mécaniste de l’explication des phénomènes.
C’est quelque chose qui va évoluer dans le temps et va arriver à une forme plus élaborée. Idée qui voudrait que l’évolution humaine soit une gradation qui va amener vers l’homme moderne. Or il n’y a pas de direction de progrès, à chaque étape l’homo est adapté à son milieu.
La théorie de l’évolution de Darwin prend corps lorsqu’au cours de son voyage, il arrive aux Galapagos. On y trouve des tortues, qu’il observe, de même que les oiseaux.
Il se rend compte des variations naturelles des pinsons sur les îles. Les treize espèces qu’il a étudiées descendent d’une espèce unique. Mais chacune d’elles possède un bec différent dont la forme est adaptée au type de nourriture : insectes, bruyères, graines.
Ces variations vont être plus ou moins adaptées aux évolutions. On s’aperçoit qu’au bout de plusieurs générations, des attributs d’oiseaux disparaissent au profit d’autres, en fonction de l’environnement dans lequel ils se trouvent.
Autre phénomène observé : l’exaptation (processus d’adaptation d’un caractère existant, selon lequel une ou plusieurs fonctions s’ajoutent à sa fonction d’origine, ou la remplacent. Exemple : les fentes bronchiales chez les requins : arcs pharyngiens=organes du crane.
Un défi : l’évolution de l’œil : cela s’est opéré sur des millions d’années qui ont permis l’amélioration des performances de ce système.
Une des critiques du darwinisme portait sur l’âge de la terre. Lord Kelvin physicien, l’estimait entre 24 à 400 millions d’années, ce qui s’est révélé érroné. Il s’est avéré dans les travaux ultérieurs qu’elle est estimée à 4,55 milliards d’années. Pour Darwin, l’évolution pouvait se faire sur des centaines de millions d’années.
L’hypothèse de la Reine Rouge
Les espèces bougent, cela fait changer l’environnement, donc on est obligé d’évoluer.
Nous courons vite, et autour de nous le paysage ne change pas ? nous courons pour rester à la même place ?
On va arriver à une nouvelle espèce mutante niveau 2, qui a éliminé les espèces précédentes.
Le dilemme du parasite
Le parasite doit être un bon stratège Il ne doit pas faire disparaître l’espèce humaine, car il en a besoin (il ne doit pas scier la branche sur laquelle il est assis).
Ex du coucou, dont la femelle dépose ses œufs dans le nid d’autres oiseaux. L’accentueur mouchet peut se permettre d’avoir des œufs aussi colorés, car le nid est placé dans un endroit sombre où le camouflage a moins d’importance que chez les oiseaux qui nichent à découvert. Le rougequeue se nichera dans les trous des vieux murs. La maman rougequeue va modifier ses œufs pour qu’ils ne soient pas repérés par le coucou.
Autre contemporain de Darwin, qui l’a aussi intéressé : c’est la moine et botaniste Gregor Mendel, qui publie ses travaux en 1866 sur les lois de l’hérédité.
V L’APRES DARWIN
Une des applications de la théorie de l’évolution est l’étude du phalène du boulot, ou le mentir vrai d’une illusion bien construite.
L’exemple de la phalène du bouleau est souvent utilisé pour illustrer la notion de sélection naturelle
Un exemple classique pour illustrer la sélection naturelle est le remplacement au cours de la révolution industrielle de la forme commune, pâle, de la phalène du bouleau par une forme noire : l’utilisation intensive du charbon libérant des suies qui noircissent l’environnement, les formes claires deviennent plus visibles et plus vulnérables à la prédation par les oiseaux. Les formes noires survivent donc mieux et se reproduisent, ce qui fait changer la population.
Figure 1 – Les deux types de coloration de la phalène du bouleau
(A) Forme claire, appelée typica. (B) Forme sombre, appelée carbonaria.
Sources des images : Wikimedia
Une autre application de ces découvertes en biologie est ce qu’on appelle une trompe.
En biologie évolutive du développement une trompe correspond à un caractère dont l’apparition n’est pas liée directement à une adaptation et est souvent défini comme un sous-produit de l’évolution.
A été démontrée une analogie avec l’architecture.
De l’architecture à la biologie :
Les pendentifs de la Basilique Saint-Marc
L’explication débute avec une présentation des structures architecturales du dôme central de la Basilique Saint-Marc de Venise, appelées pendentifs. La coupole repose sur quatre arcs concaves qui se rejoignent à la clés de voûte. Les arcs définissent des surfaces intermédiaires formant un triangle curviligne, appelées pendentifs ou trompes (en deux dimensions, un arc dans un rectangle définit des écoinçons, qu’on traduit par « spandrels » en anglais). Cette structure est un sous-produit nécessaire de l’édification d’une coupole sur des arcs courbés.
Par analogie avec son sens architectural, une trompe ou un pendentif dans un organisme vivant répond à une contrainte structurelle et peut donc être qualifiée d’excroissance structurelle.
Est citée l’exemple de la columelle. Chez les gastéropodes, la columelle est l’axe le long duquel s’enroule la coquille. La spirale sera utilisée pour mettre ses œufs, c’est une opportunité qui va être utilisée à d’autres fins.
Le gène égoïste
Les individus sont façonnés par leur gène. Ce capital génétique, sous l’influence de l’environnement, va évoluer. Le gène en est le moteur.
Autre théorie : c’est le gène qui l’emporte, c’est l’individu qui va reproduire le gène (raisonnement inverse).
L’épigénétique, ou la vengeance de Lamarck
Elle montre l’influence de l’environnement sur les modifications génétiques. L’environnement va influer sur l’expression des gènes. Modification de l’ADN sur des gènes actifs.
L’astronomie et la biologie : deux parcours opposés.
On pourrait appliquer ce qu’on a découvert en biologie sur l’astronomie.
Depuis Darwin, on est passé de l’hérédité=è aux gènes=èà l’ADN et aux codes génétiques.
Le darwinisme est un concept transposable :
Economie = sélection naturelle des infos (google va éliminer des informations en fonction de nos recherches) = pour aboutir à l’Intelligence Artificielle.
En cosmologie, on va parler de multivers. Si l’on prend les 5 constantes qui caractérisent l’univers, comme la gravitation, la vitesse de la lumière…, qui ont des valeurs très précises et connues, on peut imaginer un autre univers dans lequel les constantes auraient des valeurs différentes.
En conclusion, la contribution de l’œuvre de Darwin à l’évolution de la science a été immense, du fixisme au transformisme, de la biologie à la génétique, de l’évolution de l’univers…ou de la société.
Marie Pierre Fourdinier
UTL Pévèle Carembault, le 1er octobre 2024